Charger des marchandises surgelées dans une semie : les règles de bon sens

A la demande de l'ancien ministre des transports, Frédéric Cuvillier, la DGITM (Direction Générale des Infrastructures et de la Mer) a lancé en octobre 2013 une étude sur ce que l'on appelle pudiquement "le transport léger non établi de marchandises en France". Autrement dit sur les camionettes de moins de 3,5t immatriculées dans les Pays de l'Est et qui circulent sur nos routes. La difficulté de cette étude est que les sources et données sont très difficiles à compiler. La DGITM s'est donc appuyée principalement sur des chiffres venant d'opérations de contrôle ou lors de comptage effectués à partir des équipements de pesage en marche.

Les principaux constats que l'on peut tirer de l'étude sont les suivants :

- Le nombre de VUL non établis présents sur les axes routiers observés semble limité au regard du nombre de poids lourds. Il y aurait au maximum 8 VUL non établis pour 100 poids lourds. En moyenne, cette part maximale est d’environ 6 à 7 % sur les axes non concédés, contre 4 % sur les axes concédés. Toutefois, le rapport indique bien que ce chiffre est à relativiser, compte tenu du fait que "la croissance rapide du transport léger non établi est un phénomène quasi inconnu il y a encore quelques années."

- Les véhicules sont plutôt de bonne "facture". Environ 70 % des VUL rencontrés sont immatriculés depuis moins de deux ans. Avec le profil type suivant : sans hayon élévateur, ni carrosserie rigide (mais avec des ridelles), ces VUL disposent d’une charge utile moyenne de 1,1 t. Leur capacité d’emport, en surface au plancher, est de 8 europalettes et, en volume, de 20 m 3 de marchandises.

- Les VUL non établis sont immatriculés en Europe de l’Est. Les véhicules polonais représentent environ 75 % des VUL non établis contrôlés en bord de route, devant les VUL roumains (13 %). La plupart des transporteurs qui exploitent ces véhicules sont de très petites entreprises, dont la flotte ne dépasse pas les 10 véhicules. 20 % des VUL non établis contrôlés en France appartiennent à des artisans-transporteurs.

- Ils parcourent un kilométrage raisonnable : en moyenne 100 000 km/an (126 000 km/an en moyenne pour les VUL polonais). Ce kilométrage annuel moyen est du même ordre de grandeur que celui d’un tracteur lourd français utilisé en longue distance. Mais attention : on observe pour ces véhicules des temps d'attente avant chargement qui peuvent être longs (3 jours sur des parkings).

- Ces véhicules assurent principalement des transports publics interurbains de fret industriel (avec une forte présence de l'industrie automobile). La moitié de ces transports sont internationaux, entre pays d’Europe de l’Ouest. Les opérations de cabotage, si elles existent, restent encore très faibles.

-  Le nombre d’infractions relatives aux VUL non établis a fortement augmenté depuis 2012. Entre 2012 et 2014, les infractions relatives aux VUL non établis ont augmenté de 154% et celles relatives aux VUL immatriculés en Pologne de 600%. Mais les infractions relatives à ces engins représentent moins de 2% des infractions constatées, tous types de véhicules. A noter que les infractions au code de la route (principalement la surcharge) représentent plus de la moitié des infractions constatées.

- Sur le plan social, les conditions de travail des conducteurs de VUL non établis sont très difficiles. La rémunération mensuelle moyenne d’un conducteur (y compris les défraiements) s’élève à environ 850€. "Ces conducteurs, éloignés de leur domicile durant de longues périodes, prennent leur repos dans leur véhicule, pourtant inadapté, précise l'étude. Ils peuvent conduire de nombreuses heures d’affilée, sans limite contrôlable. Les comportements répréhensibles au regard des règles sociales, ou risqués en matière de sécurité routière, sont en effet difficilement détectables, faute d’outils de contrôle obligatoires."

- Le transport léger non établi dégrade la performance environnementale du transport routier de marchandises : un VUL émet en moyenne, par unité de transport, dix fois plus de dioxyde de carbone (CO2) qu’un poids lourd.

- Enfin, sur le plan économique, la DGITM a demandé au CNR de se pencher sur les différentiels de coûts. Résultat : le transport léger non établi est 2 à 4 fois moins coûteux, à la tonne.kilomètre, qu’un transport léger français. En revanche, compte tenu de la médiocre performance en terme de capacité, le transport léger à bas coût est 1,2 à 1,6 fois plus coûteux à la tonne.kilomètre qu’un transport lourd français. Mais attention : l'étude du CNR porte sur des analyses de coût, ce qui occulte bien évidemment les politiques tarifaires pratiquées par de telles entreprises.